Pourquoi les écoles et les facs quittent X (ex-Twitter) ?

Fake news, harcèlement, modération aléatoire... les utilisateurs sont nombreux à quitter X, anciennement Twitter. Parmi eux, de plus en plus d’écoles et d’universités.

L'Université Aix-Marseille, Centrale Nantes, mais aussi Rennes 2 ou Sciences Po Toulouse, les établissements d'enseignement supérieur quittent petit à petit X, ex-Twitter. (Illustration) Freepik
L'Université Aix-Marseille, Centrale Nantes, mais aussi Rennes 2 ou Sciences Po Toulouse, les établissements d'enseignement supérieur quittent petit à petit X, ex-Twitter. (Illustration) Freepik

    « Les fake news sont présentées par des pseudo-spécialistes qui n’ont de spécialiste que le nom qu’ils se donnent eux-mêmes. La politique de modération est réduite à néant, il n’y a aucun contrôle sur les fiabilité des sources. Et X est devenu un réseau qui amplifie la diffusion de contenus haineux. » Quand il évoque le réseau social X (ex-Twitter), Éric Berton, le président de l’université Aix Marseille, ne mâche pas ses mots.

    Depuis le 17 octobre, le compte de l’université ne publie plus rien, les infos ne sont plus postées, la communication est rompue. Une décision que le président explique simplement : « On ne se lève pas un matin en se disant qu’on va quitter X. Depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, on a vu se dégrader le positionnement et la ligne éditorial du réseau. Cette ligne est devenu incompatible avec des valeurs de tolérance, d’humanisme dans laquelle l’Université d’Aix Marseille est engagée. Une présence sur X est incompatible avec notre mission de diffuser de la connaissance, du développement de l’esprit critique et du développement des savoirs ! Ça ne correspondait pas du tout à notre vision et je ne voulais pas que l’image d’Aix Marseille Université soit plus longtemps associée à ce réseau. »

    Une vérité scientifique... alternative

    Comme Aix Marseille, mais aussi Rennes 2, Centrale Nantes a suspendu sont activité sur le réseau social racheté par Elon Musk. « On place le développement durable et l’écologie au coeur de nos décisions et on voit très bien que certains contenus sur Twitter remettent en cause des faits pourtant liés au réchauffement climatique », fait remarquer Valérie Chilard, la directrice de la communication de l’école.

    « Beaucoup de collègues qui travaillent dans le développement durable ont déjà quitté Twitter. On a une vraie spécialisation sur les énergies marines renouvelables et on testait un site d’essai en mer avec une éolienne flottante pour la production d’hydrogène vert. On publiait de l’actualité sur le sujet et sur l’impact environnemental des éoliennes en mer et nous recevions en retour des accusations fallacieuses ou des remarques peu constructives ! Alors même si je disais au community manager de ne pas nourrir les trolls, les personnes à qui on s’adresse quittent le réseau. »



    Un constat partagé par le président de l’université Aix Marseille : « Ceux qui interviennent, quand ce ne sont pas des robots, sont des scientifiques auto-déclarés. » À Centrale, si la fermeture du compte n’est pas présentée comme définitive, mais comme une pause, son public quitte petit à petit le réseau social : « On l’utilisait principalement pour communiquer avec des journalistes, des communautés académiques et des partenaires industriels. On s’est rendu compte que les profils académiques quittaient de plus en plus le réseau et qu’il y avait de plus en plus de faits ou réalités alternatives. Ceux qui prenaient la parole sur la transition environnementale était harcelé. C’est une ligne éditoriale forte de l’école, on s’est dit que notre place n’était plus forcément là. »

    « Le compte existe encore, mais on ne plus rien en faire. C’est le pire des scénarios »

    Une fois le réseau quitté, les services comm’ des écoles et universités cherchent, ou ne cherchent pas, des alternatives à leur communication qui n’est pas toujours institutionnelle. « Linkedin, après une période de creux, est redevenu un lieu avec plus d’échange et de fond, et de nombreux alumnis de l’école sont présents. C’est une communauté qui nous est chère et avec qui on peut facilement entrer en résonance sur ce canal », nous précise la responsable communication de Centrale Nantes.

    LinkedIn est aussi un réseau qui a pris une plus grande place dans la communication du groupe INSA, qui compte sept instituts nationaux des sciences appliquées. En février dernier, du jour au lendemain, le compte Twitter du groupe a été bloqué. « Une notification apparaissait sur l’écran, elle nous disait que le compte avait été verrouillé à la suite d’une suspicion d’activité suspecte. J’ai envoyé des tickets, j’ai contacté Twitter, j’ai tout tenté », se souvient Céline Authemayou, à la communication du groupe INSA : « Le compte existe encore, mais on ne plus rien en faire. C’est le pire des scénarios. »

    Depuis le blocage, les énergies du groupe se sont recentrées sur d’autres réseaux. « C’est un débat qui a généré beaucoup d’échanges, car en partant on perd le lien avec le public qui reste et qui a besoin d’une information éclairée qui ne soit pas celle des trolls. Mais aussi on s’achète une paix mentale ! Pour le groupe, Linkedin c’est le navire amiral : l’engagement est bon, le nombre d’abonnement augmente et on touche des enseignants, des étudiants et nos alumnis ! »

    Rendez-vous sur TikTok ?

    À Centrale Nantes aussi, la réflexion leur permet de penser la question éditoriale et les cibles. « Sur Youtube, on avait créé une chaine spécialisée pour valoriser nos chercheur et nos équipements et plateformes de recherche, pour mettre en avant certains projets. Elle est à destination des partenaires académiques pour viser des talents, mais aussi les étudiants sensibles à l’excellence académique et qui auraient besoin d’être rassurés. » Les étudiants au sein de l’école ne sont pas en reste et sont mis à contribution. « Une réflexion est en cours avec certains d’entre eux. Pourquoi pas se diriger vers TikTok par exemple ? »



    Pour le président d’Aix-Marseille, d’autres alternatives sont étudiées aussi et les 80 000 étudiants, repartis sus cinq campus, ne se retrouvent pas sans outil de communication : « On a notre réseau interne, Facebook, Linkedin ou encore Instagram et on va regarder Bluesky ou Mastodon. Une grande institution a quitté Twitter et nous ne seront pas les seuls ! »

    D’autres écoles ont effectivement, elles aussi, décidé de franchir le pas, comme Sciences Po Toulouse dont le président expliquait à La Dépêche que la liberté d’expression « doit toujours être conciliée avec d’autres principes démocratiques : le respect de la vie privée, le droit à l’image, la protection de l’enfance, la lutte contre les haines raciales. La fonction de modération est essentielle, elle doit exister. Les propos racistes ou révisionnistes ne sont pas des opinions, ce sont des délits. Comme disait Hannah Arendt, les mensonges préparent et précèdent la violence. »

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